Mettez les fleurs en conserve !

Car c’est la saison des limonades de fleurs et des sirops gorgés de pollen. Ici dans la plaine d’Alsace, les acacias sont presque fanés, les sureaux sont délicieusement parfumés, le tilleul se prépare et mes roses de Damas commencent à embaumer.

Pour les limonades c’est facile : remplir un bocal de verre avec les fleurs choisies, après les avoir  laissées un peu étalées dehors pour permettre aux insectes qui s’y cachaient de s’échapper. Ajouter de l’eau, quelques rondelles de citron non traité et du sucre en poudre. Fermer le bocal, et attendre environ une journée, ça c’est selon les goûts. Ma famille apprécie la limonade d’acacia, mais je sais qu’il y a des amateurs de limonade de sureau, et qu’on peut traiter ainsi toutes les fleurs.

Mon grand favori, c’est tout de même le sirop concentré de fleurs de sureau. Il faut vraiment tasser tout plein de sommités fleuries dans un bocal en verre, recouvrir d’eau – le mieux est qu’aucune fleur ne surnage, pour ne pas avoir une vilaine couleur noire – et laisser 24 h au soleil. Ne pas oublier le flacon à ce stade, cela nous est arrivé l’an dernier et une fermentation avait commencé, dont pour cette recette on ne veut absolument pas. Quand on estime que les fleurs ont bien donné leurs arômes à l’eau, filtrer, ajouter du sucre et de l’acide citrique (respectivement 1,25 kg et 20 g par litre de jus), et laisser mûrir trois jours de plus au soleil, dans des bouteilles bien hermétiquement fermées. Vous verrez, pour aromatiser une bière blonde, c’est un délice.

Mon livre de chevet pour la cuisine des fleurs, c’est le beau livre de Jelena De Belder et Elisabeth de Lestrieux, La saveur des fleurs, paru en 1991 chez Duculot. Je sais bien que depuis, d’autres livres sont venus sur le marché, mais je reste fidèle à celui-là.

Et pour piocher d’autres recettes, ou aller partager les vôtres, vous voudrez peut-être faire un tour sur le forum Manger des mauvaises herbes : je trouve qu’on y est en bonne compagnie !

Je vous laisse : mes bocaux m’appellent.

Rouges

Les 2 et 3 juin prochains je serai à Châtenois, dans le Bas-Rhin, où l’on inaugurera le Jardin du Tisserand, un des onze jardins médiévaux d’Alsace centrale nichés autour du château du Haut-Koenigsbourg. Pour l’occasion, j’ai choisi de me concentrer sur la couleur rouge.

Le rouge, depuis longtemps, c’est LA couleur, celle des puissants. Les Romains portaient des toges pourpre dont la couleur était obtenue à partir d’un mollusque du même nom. Au Moyen-Âge, il y a deux grandes sources de rouge autorisées : la garance des teinturiers, une plante cultivée originaire de l’Asie occidentale et centrale, et les femelles de certaines cochenilles, les meilleures étant le kermès des teinturiers, importé d’Orient lui-aussi.

Les draps de laine teints au kermès, c’était le nec plus ultra, réservé aux plus riches. Dans la langue française d’aujourd’hui, les mots cramoisi et carmin dérivent du nom de cet insecte, source de la couleur… un nom qui nous vient de la racine indo-européenne °kwrmi, qui désigne la larve, le ver, bref aujourd’hui les insectes. Le mot persan kirmiz désignait la cochenille d’Arménie, et les Arabes ont repris ce mot pour nommer l’insecte méditerranéen donnant le rouge écarlate, le kermès des teinturiers.

Quant à la garance des teinturiers, elle a des parentes qui poussent au pied du château du Haut-Koenigsbourg : l’aspérule odorante, qui parfume agréablement le vin blanc, demandez aux habitants de Dambach-la-Ville, et le gaillet commun qui est en fleur lui aussi en ce moment. Toutes deux teignent aussi en rouge, venez le vérifier à Châtenois début juin !

La teinture au Moyen-Âge

Retrouvez-moi prochainement :

  • à Châtenois, au Jardin du Tisserand, dans le cadre des rendez-vous au jardin, les 2 et 3 juin prochains. Je vous y raconterai l’histoire du rouge, la garance mijotera dans mon chaudron, vous découvrirez les plantations bien rangées dans leurs plessis, tout un ensemble de plantes qui, au fil des siècles, ont donné leur couleur aux vêtements.
  • à Châtenois, à la fête des remparts, le 10 juin. Je serai maître teinturière et vous ferai connaître quelques-uns de mes petits secrets.